I. Histoire résumée de
l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier
L'Académie de Montpellier naquit voici trois siècles mais sous un autre vocable, celui de Société royale des sciences. Voici dans quelles circonstances. Au tout début du XVIIIe siècle, le roi Louis XIV connaissait ses premiers revers lors des affaires de la Succession d'Espagne. Soucieux d'affermir son influence en Méditerranée, il décida de fonder à l'autre extrémité de son royaume une nouvelle Académie des sciences qui, avec celle déjà créée à Paris en 1666, "entre-tiendra l'union la plus intime au point qu'elles ne feront qu'un seul et même corps (de savants). Dans cette vue, poursuit le monarque, il nous a été montré que Montpellier ne pouvait être tenue pour plus digne de notre prédilection, tant elle est fameuse... depuis longtemps par un grand nombre de savants érudits en toutes les sciences". Ainsi fut établie par lettres patentes du mois de février 1706, la nouvelle Société royale des sciences de Montpellier voulue par le roi Soleil comme l'alter ego de la non moins royale Académie des sciences de Paris. Précisons que le terme de Société appliqué à l'institution montpelliéraine avait été choisi dans le but d'éviter toute confusion entre les deux Compagnies. Mentionnons également que bien d'autres Académies ou Société savantes existaient alors dans le royaume, mais qui ne comportaient pas le label spécifiquement scientifique réservé à celles de Paris et de Montpellier.
La Société royale de notre cité constituera le premier chaînon d'une dynastie culturelle qui se perpétuera par la Société libre des sciences et belles-lettres et plus avant par l'Académie des sciences et lettres de Montpellier, toujours en exercice.
La Société royale des sciences (1706-1793)
Honneur soit tout d'abord rendu à notre valeureuse ancêtre qui, née sous les ors du château de Versailles, disparaîtra en 1793, victime d'une Convention désolidarisée des élites intellectuelles du pays.
La Société royale était composée de 15 membres titulaires appelés "associés", presque tous de jeunes savants (30 à 35 ans lors de leur élection), passionnés et enthousiastes, répartis en cinq sections de trois membres chacune (mathématiques, anatomie, chimie, botanique et physique). Les listes correspondantes sont accessibles sur ce site WEB. La plupart des membres portaient des noms célèbres dans le monde des sciences, qu'il s'agisse, entre autres, de Pierre Magnol, d'Antoine Gouan, de François Boissier de Sauvages ou encore de l'abbé Bertholon.
Antoine Gouan et François Boissier de Sauvages, à l'âge de la maturité.
En tous points remarquables furent ses travaux (échangés régulièrement avec ceux de l'Académie de Paris) et ce en dépit de son éloignement du pouvoir central, de son isolement relatif, de l'absence de toute contribution du Trésor royal. C'est ainsi qu'elle publia des Mémoires appréciés des instances les plus célèbres d'Europe et des plus hautes personnalités du royaume, dont Voltaire et Diderot. Elle fonda sur place deux laboratoires de recherche et d'enseignement confiés à des savants patentés, élevés au rang de "professeurs". L'un d'eux n'était autre que l'illustre abbé Bertholon, chargé des travaux de physique, et l'autre, l'ambitieux Jean-Antoine Chaptal, doté d'une structure de chimie docimastique. Entreprenante, elle parvint à financer la construction d'un observatoire d'astronomie de 51 pieds de haut implanté au-dessus de la tour de la Babotte, sur les anciens remparts de Montpellier.
Elle participa activement à l'élaboration de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, grâce notamment à la collaboration de ses naturalistes et astronomes en renom. Elle constitua une bibliothèque riche de 3 000 ouvrages, la quintessence des savoirs de l'époque, un patrimoine hélas confisqué par la Révolution et pour une grande part dispersé à tous vents. Après bien des errements à travers la cité, elle acheta l'hôtel de Guilleminet et put s'installer, enfin, en ses propres murs (1777), pour peu de temps il est vrai.
Comme bien d'autres institutions, elle sera dissoute par la Révolution au mois de septembre 1793 et dépouillée de son patrimoine. Elle était alors au faîte de sa gloire.
La société libre des sciences et belles lettres (1795-1816)
Nous serons brefs sur cette institution qui, apparue dans une semi-clandestinité en 1795, devait disparaître quelque vingt ans plus tard.
Elle ne connut qu'une existence sans relief malgré la présence en son sein de personnages de haute stature, tels J.-A. Chaptal, J.J. Cambacérès, A.P. de Candolle ou J. Barthès toujours paré de son vitalisme.
Cambacérès et Chaptal
Les membres de la Société libre étaient divisés en "associés ordinaires" et "associés correspondants ou non résidants", sans aucune autre distinction ni hiérarchie. Ils eurent le mérite d’étendre les compétences de l’institution aux arts et à la littérature. Mais, leurs travaux, sans envergure, ne franchirent guère les frontières régionales.
Hélas, victime des turbulences politiques du moment et de ses propres dissensions, la Société périclita lentement pour disparaître d'elle-même le 29 février 1816.
Et le rideau tomba sur trois décennies de vide académique.
L'Académie des sciences et lettres (depuis 1846)
C’est sous ce titre que la Compagnie ressuscitera un jour, bien décidée à reconquérir le lustre de sa royale aïeule.
Fondée en décembre 1846, l'Académie est en exercice depuis 150 ans et a généré plus de 650 académiciens répartis en trois sections: sciences, lettres, médecine. Dans chacune on compte 20 membres puis 30 titulaires à partir de 1891 . Elle a déjà connu trois sièges successifs: l'hôtel de ville de la place de la Canourgue (1846-1890) ; le palais universitaire (1891-1963) ; et l'hôtel de Lunas et son célèbre "salon rouge" (depuis 1963).
Reconnue comme association d'utilité publique en 1883, elle est régie par des statuts édictés à cette occasion, cinq règlements internes ayant été par ailleurs promulgués en 1846, 1849, 1881, 1978 et 1994. Au départ, les réunions de travail se tenaient primitivement chaque lundi et par section avec cependant le quatrième lundi du mois réservé à des séances communes. Cette séparation en séances distinctes disparut définitivement au-delà des années 1970. Les séances hebdomadaires regroupent depuis lors l'ensemble des trois sections.
Depuis les débuts, on compte 650 membres dont seulement 15 femmes. La moitié des membres proviennent, comme autrefois, des rangs de l'université, les autres des corps constitués de l'Etat, des professions libérales, de l'armée, de la magistrature...
L'essentiel de leurs activités est constitué par les communications hebdomadaires qui, publiées par la suite, sont adressées à près de 200 correspondants de France et de l'étranger moyennant un système d'échanges performant.
Au XIXe siècle furent édités les Mémoires de l'Académie de Montpellier, une référence scientifique et littéraire reconnue par delà nos frontières. Ils disparurent malheureusement en 1912 du fait de leur coût excessif. Depuis lors, les Bulletins ont pris le relais avec, en particulier, la "Nouvelle série" qui, depuis 1970, soutient la comparaison avec les prestations des autres sociétés savantes de France.
Depuis 150 ans, la Compagnie a développé un enviable patrimoine représenté par une bibliothèque riche de plusieurs milliers d'ouvrages. Elle est gérée, depuis la convention de 1921, par la B.U., la Bibliothèque Universitaire, laquelle est devenue BIU c’est-à-dire InterUniversitaire en 1968. Avec cette dernière, la bibliothèque de l’Académie est implantée dans le nouveau et magnifique bâtiment de l'espace Richter. Elle a été informatisée ces dernières années, a édité un cédérom, et peut être consultée désormais sur Internet à l’adresse :
http://www.biu.univ-montp1.fr/academie
Ainsi, nonobstant quelques moments isolés de déprime (à l'origine, par exemple, de l'arrêt des publications de 1953 à 1970), l'Académie vogue aujourd'hui sans état d'âme vers un avenir qu'elle espère serein et prépare activement la commémoration de ses trois siècles d'histoire. Ce sera en 2006.
II. Les Grandes Dates de l’Académie
Sous l'ancien régime
1706 , février. Lettres patentes du Roi portant établissement d’une Société royale des Sciences à Montpellier.
« … Voulons qu’elle entretienne une correspondance et une liaison intime avec notre Académie des Sciences de Paris,
comme ne faisant qu’un seul et même corps … ».
1706, 27 mars. Enregistrement au Parlement de Toulouse et en la Cour des Comptes, aydes et finances de Montpellier, des statuts donnés par le Roy à la suite de ses lettres patentes.
« Art.XXXIX. - Pour entretenir l’union entre l’Académie royale des Sciences et ladite Société royale de Montpellier, elles seront obligées de s’envoyer réciproquement un exemplaire de tout ce qu’elles feront imprimer en leur nom.
« Art.XLII. - Quand quelqu'un de l’Académie des Sciences se trouvera à Montpellier, ou quelqu’un de la Société de Montpellier se trouvera à Paris, ils auront réciproquement entrée et séance dans leurs assemblées ».
Pendant la Révolution et régimes suivants
1793, 8 août. La Convention prononce la dissolution de toutes les Académies et Sociétés savantes patentées ou dotées par la Nation et la confiscation de leurs biens.
an III, 21 messidor (1795, 9 juillet). Le Directoire du département concède à quelques anciens membres de la Société royale la salle ordinaire des séances de cette Société pour y réunir une Société libre des Sciences et Belles Lettres.
La Convention nationale refuse cet accord et fait exécuter le décret de confiscation.
An IV, 19 prairial (1796, 6 juin). Vente de l’Hôtel de la Société royale au profit de la Nation et dispersion des registres, livres et collections dans différents établissements publics.
La nouvelle Société libre se réunit néanmoins régulièrement et se donne des réglements.
An VI, 6 ventôse (1798, 27 février). L’établissement de la Société libre est définitivement sanctionné par le Directoire exécutif du département.
An IX, 6 germinal (1801, 27 mars). Révision des réglements de la Société libre, arrêtés d’une façon définitive.
1816, 29 février. Dernière séance de la Société libre des Sciences et Belles Lettres de Montpellier.
1846, 7 décembre. Réunion de quelques personnes dans le but de reconstituer les anciennes sociétés savantes de Montpellier sous le nom d’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier. Adoption d’un projet de règlement.
1847, 28 mars. Arrêté du Ministre de l’instruction publique autorisant la Constitution définitive de l’Académie et approuvant ses Statuts.
1847, 29 mars. La Mairie autorise l’Académie de tenir ses séances dans une des salles de l’Hôtel de Ville et vote les fonds nécessaires.
1848, 29 mai. Adoption définitive du Règlement de l’Académie.
1849, 29 janvier. Modification et impression du dit Règlement.
1881, 28 mars. L’Académie procède à une révision de son Règlement et en vote la réimpression.
1883, 27 février. L’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier qui continue les travaux des deux anciennes Sociétés et qui comprend trois sections : Sciences, Lettres et Médecine vote de nouveaux statuts.
1884, 9 avril. Les Statuts sont approuvés par le Conseil d’Etat.
1884, 22 avril. L’Académie est reconnue comme Etablissement d’utilité publique par Décret.
1921, 15 juillet. Convention avec l’Université pour la gestion de la Bibliothèque de l’Académie par la Bibliothèque Universitaire de Montpellier.
1978, 18 décembre. Révision du règlement de l'Académie.
1994, 20 juin. Nouveau règlement se substituant au précédent.
1997. Informatisation des ouvrages et publications de l'Académie, création du répertoire des Académiciens depuis 1706.
1998. Création d'un espace Internet pour l’Académie hébergé par le site WEB de la Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier.
2000. Edition d'un Cédérom accessible en ligne pour présenter la Bibliothèque et le répertoire des Académiciens.
2005, septembre. Mise en fonction d'un nouveau site WEB, associé à une base de données, comprenant la description de l'Académie, l'accès à certaines conférences en ligne et l'accès aux listes de tous les Académiciens depuis les débuts des différentes sociétés.
Hubert BONNET et A. THEVENET