Henri Lagatu est né en Bretagne, dans le Finistère au Pontou, le 11 juin 1862. Mais c'est à Rodez qu'il va au lycée. Ensuite il obtient, à Bordeaux, une licence de Sciences physiques et mathématiques. Il entre tardivement à l'Institut national agronomique (1888), à l’âge de 26 ans. Il termine ses études en 1891 par un stage, réalisé sur place, chez le professeur Müntz. Il est nommé préparateur. Mais, la même année, il passe, à Paris, le concours ouvert pour la chaire de Chimie agricole de l'École nationale d’agriculture de Montpellier (ENAM). Il l'emporte de la manière la plus brillante sur sept candidats. Il est donc nommé professeur. Il a 29 ans.
Pendant la grande guerre, mettant à profit son inactivité forcée (fermeture de l'École d’agriculture où il enseigne), Lagatu soigne les blessés.
La vie scientifique de Lagatu a été organisée en trois périodes distinctes.
Jusqu’en 1904, il s’intéresse à l’étude des terroirs (cartes agronomiques, publication d’un guide des méthodes d’analyses, organisation d’un laboratoire spécialisé, enfin mise au point d’un système de durcissement des échantillons pour permettre l’observation des terres sous le microscope, ceci avec Delage de la faculté des Sciences…). L'Exposition Universelle de 1900, permet de se rendre compte que les textes et travaux de Lagatu sont extrêmement bien perçus de la communauté scientifique. En effet, il reçoit trois récompenses dont deux médailles d'Or.
L’année 1905 représente pour lui une période charnière pendant laquelle il se passionne pour l’étude minéralogique du sol (plusieurs comptes rendus à l’Académie des Sciences). Il est le premier à construire un triangle des textures. Il croit voir dans la terre arable seulement de la roche divisée. Il est contré par Lucien Cayeux de l’Institut. Ce dernier a tout à fait raison dans le principe (certains minéraux sont altérés) et parfois assez tort quantitativement (beaucoup de minéraux sont intacts dans les sols pas trop évolués de nos régions). Ce sont eux que Lagatu voyait sous son instrument...
À partir de 1922 et jusqu’à sa retraite en 1929, Lagatu travaille avec son assistant L. Maume sur le diagnostic foliaire. La méthode consiste à analyser les végétaux pour déterminer, au travers de la constitution chimique de leurs parties aériennes, le niveau et l'assimilabilité des réserves minérales du sol.
Sur la fin de sa vie professionnelle, Lagatu est fort connu et donne des conférences d’abord localement, puis dans la région, puis à Paris. En 1930, il est invité en Argentine et en Uruguay pour faire un cycle de conférences de deux mois. Il s’exprime à Buenos-Ayres, à Rosario, Mendoza et Montevideo. Il est également appelé à Liège, en Belgique. Il est en contact avec des chercheurs du monde entier dont certains lui envoient des comptes rendus d'expériences vérifiant ses travaux sur le diagnostic foliaire.
Lagatu était un lettré pas du tout enfermé dans l’agronomie. En particulier, il écrit, pour un musicien réfugié à Montpellier, le livret d'un opéra « Franceze de Cézelly », du nom d'une héroïne languedocienne. L'œuvre sera jouée dans les années 20 à Liège et au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. Une autre manifestation de l’ouverture d’esprit de Lagatu est révélée par des conférences comme celle qu’il donna à Montpellier en 1923 et qui avait pour titre : « L’émotion poétique dans la science ». Il était d’ailleurs inscrit à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.
Lagatu était bien implanté dans les sociétés savantes locales. Il était membre de la Société centrale d’agriculture de l’Hérault (1892). Reçu à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier (1899), il avait été président de la section Sciences. Mais il démissionna en fin de 1905, avec tous les autres professeurs de l’École d’agriculture faisant partie de cette institution, à la suite d’un différend avec le secrétaire perpétuel.
Lagatu a aussi été nommé membre non résident de l’Académie d’agriculture, le 7 février 1934, ce qui, pour un provincial représentait la plus haute distinction. Enfin, il a été nommé membre correspondant de l’Académie des sciences. Par ailleurs, il était officier du Mérite agricole et officier de la Légion d'Honneur.
Il est mort, le 31 janvier 1942, des suites d’une longue et cruelle maladie et a été enterré le 2 février.
La ville de Montpellier a reconnu les mérites de cet homme et son nom a été donné à une rue. Malheureusement, on a écrit « Lagattu » avec deux « tt » .
« Comme professeur il était d'une classe supérieure; il apportait dans ses cours les qualités éminentes de sa belle intelligence: clarté, précision, culture et érudition et enfin facilité de la parole, art de bien dire qui le rendait si agréable à entendre » [professeur Maume aux obsèques de Lagatu].
Jean Boulaine et Jean-Paul Legros
Extrait de "Portraits d'Agronomes"
Chez Lavoiser Tech-Doc