La préhistoire des régions languedociennes est étudiée alors par le colonel Maurice Louis, qui sera chargé d'un cours d'archéologie préhistorique à la Faculté des Lettres de Montpellier. Son premier travail est « Le néolithique dans le Gard ». Il s'agit de sa thèse, soutenue en 1933. Il élargit ensuite son domaine d'étude et publie, en 1948, un ouvrage intitulé Préhistoire du Languedoc méditerranéen et du Roussillon. Il brosse alors un tableau présentant trois sortes de populations, largement conditionnées par les caractères des régions dans lesquelles elles vivent : les gens des sables, ceux des grottes et ceux des plateaux. Ce sont les développements consacrés à ces « Pasteur des plateaux » qui constituent la partie la plus originale et la plus solide de sa théorie.
Extrait de : La préhistoire pour les nuls par Gilles Gaucher
Maurice Louis (1892-1966) est l’une des principales figures de l’archéologie gardoise – et plus largement languedocienne – du XXe s. Il illustre parfaitement cette articulation entre Préhistoire et Protohistoire, extrêmement forte dans la région. Cet éminent chercheur est reconnu à la fois comme préhistorien – il soutient brillamment une thèse sur Le Néolithique dans le Gard à l’Université de Montpellier en 1933 et effectue des fouilles sur différents sites préhistoriques de la région – et comme protohistorien, son ouvrage le plus important étant celui consacré au Premier âge du Fer languedocien, publié à partir de 1955 en collaboration avec les fouilleurs de Mailhac, Odette et Jean Taffanel. Premier titulaire d’une chaire d’enseignement de la Préhistoire à l’Université de Montpellier, Maurice Louis fut un acteur incontournable de l’archéologie gardoise des années trente aux années soixante, département dont il publia la première carte archéologique – la série des Forma Orbis Romani – en collaboration avec Adrien Blanchet (Blanchet, Louis 1941), après avoir produit en 1930 un Répertoire bibliographique et topographique du département du Gard (Louis 1930), qui semble être une première actualisation de l’ouvrage d’E. Germer-Durand (Germer-Durand 1868). Auteur prolixe et homme de terrain, il contribua au dynamisme des recherches en Préhistoire et en Protohistoire dans le département, notamment à travers la revue : les Cahiers d’histoire et d’archéologie publiée à Nîmes de 1931 à 1949 et dont le sous-titre illustre le caractère éclectique : Revue méridionale d’histoire locale, de géographie humaine, d’archéologie, de préhistoire, d’ethnologie, de linguistique, de numismatique et de folklore. Cette revue abrita l’essentiel des recherches portant sur les âges des métaux durant cette période, avec des articles de Sylvain Gagnière, Philippe Héléna, Paul Marcelin, l’abbé Louis Sigal, Henri Rolland, et bien d’autres ; Maurice Louis y apporta lui-même de nombreuses contributions, en son nom propre ou sous le pseudonyme réjouissant de H. de Silex. Il est à noter qu’on ne trouve quasiment jamais le terme de Protohistoire sous la plume de Maurice Louis, qui avait en fait une conception très unificatrice et globalisante de la Préhistoire incluant l’ensemble des âges des métaux, toute l’histoire de l’humanité depuis les premiers temps du Paléolithique jusqu’à la période romaine. Son ouvrage consacré à la Préhistoire du Languedoc-Roussillon inclut ainsi le Paléolithique, le Néolithique, l’Age du Bronze, le Premier Age du Fer et le Second Age du Fer. Cette synthèse publiée en 1948 fait suite à l’étude réalisée sur la Préhistoire du Gard (Louis 1931) avec exactement la même architecture. Maurice Louis estimait la Protohistoire à ce point liée aux périodes préhistoriques qu’il ira jusqu’à démissionner en 1954 de ses fonctions de Directeur des Antiquités Préhistoriques du Languedoc pour manifester sa désapprobation quand le Ministère décida d’attribuer la gestion des gisements protohistoriques à la Direction des Antiquités Historiques. Il est très intéressant de s’interroger sur les motivations de ce changement. Cette décision est-elle liée à la volonté de clarifier une situation encore floue, que le développement de l’archéologie protohistorique rendait de plus en plus difficile à gérer par les services de l’Etat alors en constitution ? est-elle liée à un groupe d’influence ? ou encore à un événement en particulier ? Il est tentant de rapprocher cette décision prise en 1954 de la découverte spectaculaire – et très médiatisée – de la tombe de Vix, précisément en janvier 1954. La présence de l’immense cratère grec qui a attiré l’attention de tout le monde savant de l’époque faisait rentrer les populations de l’âge du Fer français dans le cercle des peuples en contact étroit avec le monde méditerranéen et donc avec l’histoire. Cette dimension semble alors avoir été privilégiée, au détriment des liens unissant les âges des métaux aux périodes préhistoriques ; et de fait, la Protohistoire méridionale des années soixante focalisa en grande partie ses recherches sur la thématique de l’hellénisation du Midi (Roure 2004), y compris dans les départements où des liens étroits l’avaient initialement liée aux temps préhistoriques.
Extrait de :
De la Préhistoire à la Protohistoire dans le Gard (1868-1955) par Réjane ROURE
dans Documents d’archéologie méridionale.