Le 8 septembre 2023, l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier perdait le premier des siens.
Les Académiciennes et les Académiciens ont une immense reconnaissance pour l’œuvre qu’il a accomplie, pour son dévouement sans borne à la mission de notre compagnie, pour l’exigence qu’il s’appliquait à lui-même d’abord, et qu’il nous demandait à nous aussi, pour ce qu’il a fait à l’académie et ce qu’il a fait « pour » l’Académie, et aussi pour l’attention et l’amitié bienveillante qu’il avait pour chacune et chacun de nous
Philippe Viallefont a effectué une brillante carrière de chimiste, notamment comme maître-assistant à l’École de Chimie de Montpellier de 1959 à 1968, en qualité de détaché à la Faculté des Sciences de Rabat de 1968 à 1973, et à l’Université de Montpellier de 1973 à 2001, où il fut un chercheur et un professeur très apprécié. On lui doit plus de 150 publications, sur des sujets aussi divers que la chimie des hétéroéléments, la stéréochimie, la synthèse des peptides, les protéines ou encore le contrôle de la chiralité, et bien d’autres.
Il a été élu à l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier en 1995, sur le fauteuil XXV de la section Sciences. Il était à la fois heureux et fier d’entrer dans cette compagnie où son père, Henri Viallefont, qu’il admirait, avait siégé avant lui, de 1947 à 1991. A l’Académie, Philippe a donné de nombreuses communications et conférences, sur des sujets de chimie, bien sûr, mais sur bien d’autres sujets aussi. Il participait régulièrement et intensément, aux discussions et aux débats scientifiques, culturels, éthiques et artistiques lors des séances hebdomadaires, avec beaucoup d’intelligence, un esprit critique aiguisé, et toujours avec beaucoup d’attention aux propos et aux arguments de ses consœurs et confrères. Tous les sujets l’intéressaient. Il avait une grande culture, une réflexion solide, une belle hauteur de vue.
Il a non seulement été un académicien engagé, écouté et respecté, mais il a en outre exercé toutes les fonctions majeures de notre institution. Il a été le Président de la Section Sciences en 2004, et le Président Général en 2005. De 2004 à 2007, il a aussi été le Président de la mission du tricentenaire de l’Académie : il a, pour cette occasion, conçu et conduit un brillant programme d’activités, qui a marqué les esprits. En 2009, il a été élu Secrétaire Perpétuel, une mission qu’il a beaucoup aimée, et pour laquelle il a donné le meilleur de lui-même.
Pendant une dizaine d’années, il a ainsi été la cheville ouvrière de notre compagnie, réglant, sans compter son temps, et dans les moindres détails l’activité des académiciennes et des académiciens, avec le souci constant et fort de tout mettre en œuvre pour assurer la qualité et l’utilité des travaux. Il savait prendre les grandes et difficiles décisions. Au quotidien, il était déterminé, rigoureux, consciencieux, conciliant, et en même temps ferme quand il le fallait. L’Académie remplissait ses journées, toutes ses journées.
Il est à l’origine de l’ouverture de l’Académie sur la cité. Il a en particulier créé les séances ouvertes au public, les colloques, le prix Sabatier d’Espeyran. Il a élaboré une bonne trentaine de programmes trimestriels de conférences. Il a contribué à de nombreux échanges avec d’autres académies, par des rencontres bilatérales et la participation aux colloques nationaux. Il s’est particulièrement investi dans le cadre de la Conférence Nationale des Académies, la CNA, convaincu qu’il était de l’importance de cette institution parce qu’elle nous place sous l’égide de l’Institut de France, et parce que en créant du lien entre les académies, elle contribue à la qualité des activités et à leur reconnaissance. Il y était très attaché : il me l’a souvent dit, comme s’il voulait me laisser un message pour me guider dans la conception de ce que peut et doit être une académie. Le message est entendu : il nous guidera.
Philippe a rempli cette mission de Secrétaire Perpétuel avec dévouement, générosité, passion, bonheur, et à l’immense satisfaction de tous les académiciens, qui ont pour lui de l’admiration et de l’affection.
En 2019, il a souhaité transmettre sa lourde charge, mais il a tenu à continuer à siéger dans les séances, au conseil d’administration, et au bureau de l’Académie. Malgré la maladie, les traitements, la fatigue, il n’a jamais cessé de participer activement à nos travaux. Il donnait encore une conférence en mai 2023. Début juillet, il participait encore à un groupe de travail et nous donnait ses utiles conseils. En août, il m’aidait encore sur un dossier sensible et d’avenir pour l’Académie. Il est resté jusqu’à il y a peu le pilier de l’institution, qu’il a consolidée, qu’il a dynamisée, qu’il a rendue plus innovante, plus ouverte et plus forte.
Je suis honoré, très honoré, de lui succéder. Il m’a aidé avec une immense gentillesse. Je me suis fait un devoir de m’inscrire dans le sillon qu’il avait tracé et de le consulter pour chaque décision majeure. Nous nous sommes beaucoup vus et nous avons beaucoup échangé. Nous avions un lien particulier : il était un peu mon « père académique ». J’ai pour lui une profonde gratitude.
Philippe croyait à la nécessité de diffuser dans la société le savoir, la culture, la pensée rationnelle et l’esprit critique. C’est cette conviction qu’il a mis en œuvre de belle manière et avec une belle efficacité, pendant les 28 ans où il a servi l’Académie.
Les académiciennes et les académiciens poursuivront dans le chemin que Philippe leur a tracé. Merci, Merci Philippe.
Christian Nique, Secrétaire perpétuel
Voir aussi la réponse de Bernard Charles lorsque Philippe Viallefont fit l'éloge d'Edouard Bonnaud le 6/1/2003 :
https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/VIALLEFON-ELOGE-BONNAUD-REP-CHARLES.pdf