Academie des Sciences et Lettres de Montpellier

Robert POUJOL (12-4-1923 | 3-10-2003)

Section : Lettres - Siège : IX
Préfet - Historien
Elu(e) à l'Académie en 1995. Départ en 2003.
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     Ce n’est pas dans les Cévennes, mais à Toulon, où son père Pierre, professeur  agrégé de Lettres, était alors en poste, que naquit Robert Poujol, le 12 avril 1923. Sa mère, Marie Teissier de Caladon, appartenait à une ancienne famille huguenote des Basses- Cévennes. Il était le second d’une famille qui comptera, avec Jacques son frère aîné, deux autres enfants, Denise et Geneviève.
 
    Les années 1943 et 1944 furent pour lui une période importante. Titulaire, à vingt ans, d’une licence en droit et de deux années de Sciences-Politiques), il suit l’exemple de son frère Jacques et entre dans la Résistance, rejoignant, en octobre 1943, sous le pseudonyme de Bichon, le maquis d’Ardaillès, fondé et dirigé par le pasteur Laurent Olivès. Robert Poujol a laissé de son expérience dans la clandestinité quatre témoignages écrits. Il faisait partie de ces deux tiers de maquisards occupés aux indispensables « tâches de service » et ne chercha jamais à usurper l’appartenance à ce « tiers combattant » qui subissait l’épreuve du feu. Appelé sous les drapeaux de février 1945 à août 1946, Robert Poujol intègrera l’Ecole de Saumur et participera, dans l’arme blindée, à l’occupation de l’Allemagne. 
 
      S’ouvre ensuite pour lui une longue carrière au service de l’Etat, d’abord comme chargé de mission au cabinet d’André Philip, ministre de l’Economie, puis dans divers postes territoriaux. 1946, c’est aussi l’année de son mariage, le 12 décembre, avec Mademoiselle Martine Breton, d’une famille protestante des Basses-Cévennes. Cinq enfants, Olivier, historien, continuateur de l’œuvre de son père, Isabelle, Luc, Nathalie et Bruno et dix-sept petits enfants sont issus de cette union.
 
      Robert Poujol restait attaché aux grandes valeurs de la République. Certains des postes qu’il a occupé de 1946 à 1982  ont davantage marqué sa carrière et sa vie, comme son affectation au Ministère de l’Intérieur de 1951 à 1958, puis à nouveau, au plus fort des événements de 1968, ou encore sa nomination à Vervins, dans l’Aisne. Il y rédigera un ouvrage sur les églises fortifiées de la Thiérache où se révèle déjà son goût pour l’étude de l’architecture régionale. Cependant, la phase de sa carrière la plus importante, la plus douloureuse aussi, est celle de son séjour en Algérie entre 1959 et 1962, en qualité de Secrétaire général de la sous-préfecture de Médéa, puis de Bône, et enfin lorsqu’il fut affecté au cabinet de Christian Fouchet, Haut-commissaire en Algérie française. Ses qualités  humaines, en particulier son hostilité face aux méthodes de certains militaires, et son courage physique ont été reconnus. Il conduisit une double action : administrative dans le cadre de sa fonction, mais aussi celle, généreuse, du protestant sincère, tolérant et humaniste. 
 
    Robert Poujol avait la passion des vallées cévenoles. Rien de ce qui a fait et fait encore les Cévennes ne lui était étranger, de leur histoire aux plus modestes témoins de la vie quotidienne. Il fut membre du Conseil d’Administration du Parc National des Cévennes.  Dans le même esprit, il avait rassemblé dans une ancienne maison du hameau des Vanels, prés de Vébron, une collection d’objets usuels cévenols, dans une présentation inspirée des principes du Musée des Arts et Traditions Populaires. Son action au sein du Club Cévenol a également été importante, comme sa contribution aux revues Causses et Cévennes et  Le lien des chercheurs cévenols. 
 
     Robert Poujol nous a légué une œuvre historique considérable dont l’axe principal demeure le protestantisme en Cévennes. Dans ses ouvrages, au-delà de sa double qualité, franchement revendiquée de protestant et de cévenol, il se veut avant tout historien sachant entendre le témoignage des textes sans l’interpréter dans un sens systématiquement favorable à la cause cévenole et réformée.  
     
     Robert Poujol a laissé, avec de nombreux articles et deux communications à notre Académie, dont il occupait depuis 1995 le IXe fauteuil de la Section des Lettres,  trois œuvres importantes, écrites avec passion : Vébron, histoire d’un village cévenol (1981), Bourreau ou martyr ? L’abbé du Chaila, 1648-1702. Du Siam aux Cévennes (1986), et surtout Basville, roi solitaire en Languedoc, intendant à Montpellier de 1685 à 1718 (1992). Avec cette trilogie, c’est toute l’histoire de la résistance protestante en Cévennes, de la Révocation à la Guerre des Camisards, qui nous est contée. Dans ces ouvrages, l’homme est toujours présent, en tant qu’individu ou membre d’une communauté, sous les faits et les statistiques. On ne peut douter d’autre part que la carrière de l’auteur et son sens profond de l’intérêt de l’Etat aient facilité son approche de la personnalité de Lamoignon de Basville, « Intendant de justice, police et finances, commissaire départi pour l’exécution des ordres du roi dans la province de Languedoc ».  Cet  « homme de fer », redoutable chasseur de  huguenots, fidèle à sa maxime « Un seul roi, une seule religion » fut un grand administrateur et un grand bâtisseur dans sa politique d’affirmation du triomphe de Louis XIV et, à travers lui, de l’Eglise.
 
       Robert Poujol est décédé à Montpellier le 3 octobre 2003. Il est inhumé au cimetière protestant de Vébron, dans la vallée du Tarnon, l’ancien berceau de sa famille.
 
 
Voir aussi son hommage par Jean Nougaret :
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