Le père de Michel Navratil, qui se nommait également Michel, était originaire de Serej, petite ville de l’actuelle Slovaquie. Il avait émigré à Nice où il avait ouvert une maison de prêt-à-porter. En 1906, il avait épousé à Londres une très jeune italienne, âgée d’à peine 16 ans, Marcelle Carretto. Leur fils Michel Navratil est né à Nice, le 12 juin 1908, suivi d’un autre frère, Edmond, deux ans après.
Le père et les deux enfants voyageront sur le Titanic. Seuls les enfants seront sauvés. On lira cette extraordinaire aventure dans l’hommage complet rendu à notre confrère. Il figure sur ce site WEB, dans les archives des conférences (n° 3844).
Les enfants sont ramenés à Nice, puis à Toulon, où ils vivent pendant quelques années avec leur mère et leurs grands-parents italiens. Marcelle Navratil donne des leçons de piano et de chant. En 1918, elle part pour Paris. Les enfants vivent alors avec leurs grands-parents qui prendront en charge leur éducation. Avec son frère, Michel Navratil fréquente le Lycée de Toulon. Il est passionné par l’étude et obtient, tout au long de sa scolarité, des résultats excellents.
En 1925, Michel Navratil passe brillamment son baccalauréat de philosophie. Il est admis alors en khâgne au Lycée Louis le Grand et prépare le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure. En 1928, il entre rue d’Ulm dans la même promotion que Simone Weil et Jean Beaufret. Mais son séjour à l’ENS va se prolonger un peu en raison d’une absence de sept mois qu’il passe, entre juillet 1930 et février 1931, au sanatorium de Leysin, en Suisse romande, à cause d’une atteinte de tuberculose. Ce séjour aura pour lui une grande importance, à la fois en raison de la splendeur du site car il restera toujours amoureux des montagnes, et du fait de la rencontre d’un jeune poète, Gabriel de Retz, beaucoup plus malade que lui. C’est là en effet que se noue l’amitié la plus marquante de sa vie et à laquelle il demeurera toujours fidèle. Une vaste correspondance (près de trois cents lettres échangées en dix ans) en témoigne
Michel rencontre, en décembre 1931, Charlotte Lebaudy. Elle est d’origine provençale, a fait, comme lui, ses études au Lycée de Toulon et prépare l’agrégation de philosophie en suivant certains cours à l’ENS, en auditrice libre. Leur mariage sera célébré en septembre 1933. De cette union, vont naître trois enfants, Michèle, en 1934, Henri, en 1936 et Élisabeth, en 1943.
Michel Navratil occupe d’abord un poste à Tonnerre où il enseigne la philosophie. Un an plus tard, on le retrouve au lycée d’Épernay (1934) et, en 1936, il est nommé professeur agrégé au lycée d’Alès. En 1938, il arrive au lycée de Gap.
Il a commencé à préparer une thèse sous la direction d’Étienne Souriau dont l’influence sur sa pensée a été déterminante. Cela lui permet d’obtenir de 1944 à 1949 un détachement au CNRS qui favorise l’avancée de sa recherche. Puis il reprend son poste à Gap.
En 1950, Michel Navratil accepte d’enseigner la philosophie dans un lycée de la région parisienne à des élèves de classes préparatoires scientifiques et il s’installe alors à Versailles avec sa famille.
Le 1er octobre 1952, il est nommé chargé d’enseignement à la Faculté des Lettres de Montpellier où il succède à Ferdinand Alquié, élu à la Sorbonne. Il soutient sa thèse et est titularisé un an plus tard comme Maître de Conférences. Il écrit alors deux ouvrages, thèse principale et thèse complémentaire, publiés en même temps, en 1954, aux PUF. En 1956, il est nommé professeur.
En 1964, Michel Navratil, déjà officier des Palmes académiques, est décoré de la Légion d’honneur. Il remplit à l’Université, depuis quelques années, des fonctions importantes : assesseur du Doyen de 1958 à 1967, délégué de la Faculté des Lettres au Conseil de l’Université. Il dirige la section de psychologie qui vient de prendre son autonomie.
Et voici qu’éclate la contestation de 1968 et que commence un temps d’épreuve pour l’ancienne génération. Michel Henry, qui dirige alors la section de philosophie, associé à Michel Navratil, font face à des situations difficiles. Tous deux les gèrent magistralement même si cela ne se fait pas sans tension ni douleur.
Mais la fin de la vie active est proche. Le 30 septembre 1969, Michel prend sa retraite. Quelques mois plus tard, en 1970, il perd sa femme, avec qui il a vécu une si profonde union de sentiments, de pensées, d’émotions que l’on imagine mal comment une existence solitaire va être possible pour lui. Pourtant un des traits frappants de sa personnalité est de dominer toujours les épreuves qu’il traverse, d’en considérer la positivité et l’enseignement. Jusque dans sa très grande vieillesse, loin de se plaindre quand quelque accident survenait, il estimait vivre des expériences nouvelles et être capable de progresser encore dans l’organisation de son existence. C’est cet extraordinaire effort de compréhension, de réflexion, d’ouverture qui lui a permis d’affronter, non seulement le deuil et la solitude, adoucis par l’espérance chrétienne, mais les dures atteintes de l’âge. Son décès est survenu le 30 janvier 2001.
Michel Navratil était entré à l’Académie des Sciences et Lettres en 1974. Il y avait retrouvé des collègues et des amis. Il appréciait particulièrement les séances du lundi et évoquait avec plaisir l’apport très riche de ces rencontres qui répondaient à son désir de connaître toujours mieux les autres.
Il nous a légué principalement deux grands ouvrages : ses deux thèses (Les tendances constitutives de la pensée vivante) et sa thèse complémentaire (Introduction critique à une découverte de la pensée). On lira dans le texte déjà cité leur analyse détaillée.
Michel Navratil n’a pas été simplement un professeur, un chercheur, il a vécu en philosophe. Sa démarche intellectuelle originale rendait inséparables sa pensée, sa culture, sa sensibilité et sa vie tout entière, commandée à tout instant par le souci d’un accomplissement personnel unifié, sans aucun repliement sur soi.
Synthétisé à partir de l’hommage rendu
par Huguette Courtès