Pierre Passouant naît le 1er mars 1913 à Fleurance (Gers) au premier étage d’une maison occupée au rez-de-chaussée par la pharmacie de son père, Paul Passouant. Pierre fait ses études secondaires au lycée d’Auch. Il restera toute sa vie attaché à ses origines gersoises et en conservera des amitiés fidèles. Il gardera précieusement une propriété achetée par son père à proximité de Fleurance, où il aimera recevoir ses proches amis. Il fait ensuite ses études de médecine à Montpellier et fait partie avec André Vedel, Claude Gros, René Soulier, Jean Bigonnet et Eric Nègre de la promotion de novembre 1937 de l’internat de Montpellier. En février 1939, au cours de son service militaire, il est affecté en tant que médecin auxiliaire au camp de Barcarès où sont regroupés des réfugiés républicains espagnols. Libéré en septembre 1939, il revient pour quelques mois à Montpellier avant d’être appelé à nouveau sous les drapeaux en tant que médecin de l’hôpital de Bergues à 10 km au sud de Dunkerque. En juin 1940, Il y vit, avec 4 infirmiers, la bataille de Dunkerque. Il sera fait plus tard citoyen d’honneur de Bergues. Fait prisonnier, il est emmené en captivité à Courtrai, en Belgique, où il demeure pendant dix mois. Il restera très marqué par ces deux expériences militaires.
Libéré le 10 avril 1941 il revient à Montpellier. Il est alors interne et construit son sens si particulier de la relation médecin/malade. Il noue de solides et durables amitiés, en particulier avec Georges Durand, Robert Saran et plus tard Paul Sentein. Il écrit alors sa thèse de médecine consacrée à la myopathie myotonique ou maladie de Steinert et la passe en juin 1943. Il devient chef de clinique de la clinique médicale dirigée par Louis Rimbaud. C’est à cette époque qu’il commence son activité de recherche sur l’acétylcholine, en commun avec Bruno Minz, chercheur juif allemand qui se cachait à Montpellier, à l’origine de ses deux premières publications en 1945, sur le syndrome humoral de la myotonie. En février 1945, Pierre Passouant est de nouveau mobilisé, dans le cadre de l’armée Leclerc, et détaché au Val de Grâce où se confirme son orientation neurologique. Il y participe aux premiers balbutiements de l’électroencéphalographie en France. Revenu à Montpellier en janvier 1946 il devient chef de clinique de la clinique neurologique dirigée par Jules Euzière. En 1947 Jules Euzière lui confie les explorations du système nerveux dans deux pièces des caves de l’hôpital St Charles. A noter que Pierre Passouant restera très attaché à ses maîtres, Louis Rimbaud et Jules Euzière et jouera un rôle moteur dans la rédaction d’une nouvelle édition d’un Précis de Neurologie coordonnée par Louis Rimbaud.
Le premier collaborateur de Pierre Passouant est Hugues Latour. Des échanges cliniques et scientifiques se développent rapidement avec les services voisins de Pédiatrie et de Neuro-Chirurgie, puis avec d’autres services, à l’origine de nombreuses publications. En 1948 Pierre Passouant se marie avec Thérèse Fontaine, docteur ès sciences, qui deviendra plus tard directeur de recherche au CNRS. Le couple donne naissance en 1950 à un fils, Michel, qui fera une carrière d’ingénieur. En 1949 Pierre Passouant est nommé professeur agrégé de la nouvelle spécialité, pathologie expérimentale.
1950 marque un tournant. Hugues Latour quitte l’électroencéphalographie pour la cardiologie et arrive dans le service Jean Cadilhac, chef de clinique assistant dans la clinique neurologique. Jean Cadilhac devient alors son plus proche collaborateur, le restera pendant toute sa carrière et lui succèdera en 1980. De cette époque datent ses premières publications sur le sommeil normal et pathologique et sur l’épilepsie morphéique. Au début 1951 Pierre Passouant fait avec sa femme un stage de 6 mois dans le département d’électrophysiologie et de neuropsychiatrie du Massachussets General Hospital à Boston. Il y travaille avec R.S. Schwab sur les indications de la thymectomie dans le traitement de la myasthénie. Quelques mois après son retour, et comme il le fera avec la plupart de ses futurs collaborateurs, il envoie Jean Cadilhac se former en neurophysiologie dans le même hôpital de Boston, dans le service dirigé par W.T. Liberson. Jean Cadilhac demeure un an à Boston et s’initie aux techniques de stéréotaxie chez le chat. En 1954, Pierre Passouant concrétise sa démarche de convergence entre clinique et expérimentation avec l’ouverture dans l’Institut de Biologie de ce qui deviendra le Laboratoire de médecine expérimentale. Avec Jean Cadilhac et Thérèse Passouant-Fontaine il y développe rapidement des études sur l’hippocampe et ultérieurement sur le cervelet, le rhinencéphale, la corne d’Ammon, l’olive bulbaire, à l’origine de multiples publications. En 1961 sera organisé à Montpellier un Colloque international sur l’hippocampe
En 1960 arrivent dans le service d’électroencéphalographie Marion Delange et Michel Baldy-Moulinier et à l’institut de Biologie Michel Baldy Moulinier. En 1961 sont réalisés les premiers enregistrements polygraphiques du sommeil à St Charles, d’abord pour étudier les relations épilepsie et sommeil et ensuite pour préciser la rythmicité des épisodes de sommeil sur les 24 heures chez le patient narcoleptique. En 1963 Michel Baldy-Moulinier part pour Lund, en Suède, pour s’initier pendant un an, sous la direction de David Ingvar, aux techniques d’étude du débit sanguin cérébral et de la consommation cérébrale en oxygène. A Montpellier, Marion Delange s’intéresse aux états de veille et de sommeil chez le nourrisson. En 1966 un service d’électromyographie s’individualise sous la direction de Jean Cadilhac, également dans les caves de St Charles. Dès ces années et par la suite Pierre Passouant reçoit des stagiaires étrangers, à titre de post-doc, d’Europe de l’est, du Japon et de Chine. Le 20 juin de la même année Pierre Passouant organise à Sommières, dans le Gard, en présence du maire de la ville et de nombreuses personnalités neurologiques françaises et étrangères, un hommage solennel au docteur Marc Dax, auteur en 1836 d’un mémoire sur la localisation du langage à l’hémisphère gauche, 25 ans avant la célèbre publication de Paul Broca en 1861, qui ne fera même pas référence à l’œuvre de son prédécesseur. C’est à cette même période que Pierre Passouant est fait chevalier de la légion d’honneur
Au début de l’année 1971, en dépit de nombreuses obstructions locales mais avec l’appui de la Société Neurologique, de Robert Debré et de hauts fonctionnaires du Ministère de la Santé, Pierre Passouant obtient la création d’un service hospitalier de Physiopathologie des maladies nerveuses dans le tout nouvel hôpital Gui de Chauliac. La dénomination même de ce service témoigne de la détermination de son chef d’associer clinique et recherche expérimentale en vue de préciser les mécanismes des maladies neurologiques. Parallèlement se poursuivent à la Faculté, avec Michel Baldy-Moulinier, des travaux expérimentaux sur le débit sanguin cérébral et l’épilepsie chez le chat. Le service hospitalier comprend d’une part, au second étage, un pôle technique avec électroencéphalographie, électromyographie, sommeil, débit sanguin cérébral et métabolisme et d’autre part, au cinquième étage, un service hospitalier de 26 lits. Pierre Passouant met alors en œuvre toutes ses qualités de clinicien, le matin à Gui de Chauliac, où il gagne toujours la confiance de ses malades et l’après-midi d’expérimentateur à l’institut de Biologie. A côté de ses activités de médecin et de chercheur, Pierre Passouant n’oublie pas l’information du grand public. Il publie en 1976, un livre intitulé « Le sommeil, un tiers de notre vie » et participe à de nombreuses émissions de radio et de télévision. Au début de ces années 1970, Il recrute deux nouveaux collaborateurs, Alain Besset, psychologue, chargé de recherche de l’Inserm avec lequel il réalise des privations de sommeil sous l’effet de la clomipramine et Michel Billiard interne du service hospitalier. Alain Besset poursuivra ensuite sa carrière comme chercheur dans le domaine du sommeil et Michel Billiard participera au développement de la nouvelle spécialité de Médecine du sommeil à Montpellier, en France et à l’étranger. En 1973-1974, Michel Billiard fera un stage d’un mois dans le service de sommeil dirigé par Ian Oswald à Edimbourg, puis de quatorze mois à la Sleep Clinic de l’Université de Stanford, Californie, dirigée par William C Dement. En 1976 Pierre Passouant est élu pour quatre ans à la présidence de la Société Européenne de Recherche sur le Sommeil. A la fin des années 1970 Pierre Passouant recrute encore deux collaborateurs : Gérard Rondouin qui, au laboratoire de médecine expérimentale, développe un modèle expérimental d’épilepsie par kindling chez le chat et à Gui de Chauliac où il se spécialise en électroencéphalographie et dans les potentiels évoqués; puis à Gui de Chauliac, Jacques Touchon, comme interne puis chef de clinique, qui développera une très importante activité clinique et de recherche dans le domaine du vieillissement cérébral normal et pathologique.
En 1980 Pierre Passouant prend sa retraite et est remplacé à Gui de Chauliac par Jean Cadilhac pour l’hospitalisation et par Michel Baldy-Moulinier et Jean Cadilhac pour les explorations fonctionnelles et à la faculté par Michel Baldy-Moulinier. Ainsi Pierre Passouant aura-t-il réussi à créer, de façon tout à fait originale, un laboratoire de médecine expérimentale à la Faculté de médecine et un service mixte de neurologie clinique et d’explorations du système nerveux à l’hôpital Gui de Chauliac, à avoir une stature nationale et internationale reconnue, à publier de multiples articles dans des revues à comité de lecture, à s’entourer de nombreux collaborateurs formés en France et à l’étranger et travaillant dans des domaines différents, et à attirer à Montpellier pour les former de nombreux médecins et chercheurs étrangers
Pierre Passouant est mort le 16 novembre 1983 à Montpellier, dans son sommeil.
Professeur Michel Billiard, 2020
Voir aussi son éloge par Jacques Mirouze en 1990 :
https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/MIROUZE-ELOGE-PASSOUANT-REP-JEAN-1990.pdf