Louis Bourdiol est né le 24 mars 1931 à Montarnaud. Son père y était médecin généraliste, issu de la faculté de Montpellier. Il était originaire de Mèze où sa famille paternelle possédait une fabrique de futaille. Sa mère était originaire de Pignan issue d’une famille de « propriétaires », terme consacré dans notre Languedoc. Jusqu’à l’âge de 10 ans, il a été scolarisé à Montarnaud, puis, a poursuivi ses études secondaires à l’Enclos Saint François. très vite, il se passionne pour la chimie, avant même de rejoindre le lycée en classe de sciences expérimentales. En 1948, il est reçu avec mention à la deuxième partie du baccalauréat, et s’inscrit en faculté des sciences pour le PCB, qui donne alors accès aux études médicales.
A l’âge de 20 ans, alors qu’il est en deuxième année de médecine, Louis a la douleur de perdre son père, alors âgé de 49 ans. Il n’est plus question de succession, alors son attrait pour la chimie lui fait rejoindre l’équipe de biochimie dirigée par le professeur Paul Cristol, entouré de Christian Bénézech, jeune agrégé, de Jacques Llory et André Crastes de Paulet, chefs de laboratoire. Il est nommé moniteur de travaux pratiques et prend la responsabilité du laboratoire de chimie situé sur le toit des cliniques Saint Charles. C’est l’occasion pour lui de participer aux travaux de l’équipe de pédiatrie animée par les professeurs Jean Chaptal et Roger Jean. Pendant cette période, il accumule les certificats d’études spécialisées: sérologie, chimie médicale à la faculté de médecine, chimie biologique et biologie générale à la faculté des sciences. La libération d’un poste de chef de travaux en médecine légale est l’occasion pour lui à partir de 1956 d’une collaboration de quelques années avec le professeur Jean Fourcade, d’où une thèse au croisement des deux disciplines sur les implications médico-légales de la phénothiazine. Il complète sa formation par plusieurs certificats: médecine légale, médecine du travail, et par un diplôme d’études pénales. Il gardera toute sa carrière une activité d’expert près les cours d’appel de Nîmes et de Montpellier. De 1951 à 1958, sa période universitaire, Louis Bourdiol a participé aux publications scientifiques et aux enseignements des équipes dont il a fait partie.
Il est alors appelé sous les drapeaux. Son service militaire se déroule en pleine guerre d’Algérie, après qu’il ait effectué un stage à l’hôpital du Val de Grâce. Il y rencontre Henri Laborit, médecin de marine, qui avait codifié l’utilisation de la Chlorpromazine, objet de son travail de thèse. Il est successivement affecté à l’hôpital Alphonse Laveran à Constantine, puis sur divers lieux de combat où il doit prendre en charge des soldats aux blessures atroces. Il est démobilisé en 1960, et gardera toute sa vie le souvenir de cette terrible période.
Eu égard aux aléas d’une carrière universitaire toujours hypothétique, Louis Bourdiol fait le choix de s’installer comme médecin biologiste en créant en 1961, avec son ami Jean-Claude Corbière, un laboratoire d’analyse. Cinq ans après, il prend en charge la part biologique du nouveau centre de santé de Castelnau le Lez qui va devenir la clinique du Parc. Il participe très activement au succès de cette entreprise en étant chef de laboratoire et en devenant administrateur. il y fera une carrière brillante. C’était, me disait Jean-Pierre Reynaud, un biologiste « à l’ancienne », pétri de l’humanisme qui caractérise l’Ecole de Médecine de Montpellier. Et d’évoquer le jour, en 1983, où il dut annonça à un jeune patient qui devait être opéré que ce ne serait pas possible car il venait de diagnostiquer le SIDA.
Louis Bourdiol a témoigné de sa satisfaction devant l’oeuvre accomplie lors de la commémoration en 2017 des 50 ans de la clinique du Parc, entreprise de médecins amis qui s’étaient connus à l’internat et qui, bien que de personnalités très différentes et de caractères pas toujours faciles, avaient su créer un outil d’excellence, partageant la même passion.
Notre confrère a été élu sur le XXV° fauteuil de la section de médecine de l’Académie en 1991, succédant à François Thuille, André Bertrand a répondu avec son élégance coutumière à son discours de réception en 1994. Il a été secrétaire perpétuel de l’Académie en 1999 puis trésorier à partir de 2000. Il participait aux séances avec assiduité, toujours dans le même coin, au fond à droite du Salon Rouge. De ses contributions, je retiendrai une conférence sur Michel Paulet, chirurgien en Languedoc au XVII° siècle, et, lors du voyage académique à la Rochelle en 2014, une belle analyse du siège de Montpellier de 1662.
Je ne développerai pas les autres dimensions de sa vie: ses passions, ses drames, notamment le décès accidentel de Marie-Françoise, qu’il avait épousée en 1960 à son retour d’Algérie; Philippe Vialla les a rappelées avec émotion en cette belle journée d’automne où nous étions réunis pour un au-revoir en l’ église de Pourols à Saint Mathieu de Tréviers. Claire nous y a accueillis avec courage. Avec mon épouse Geneviève, nous avons connu celle avec qui il a partagé la dernière étape de sa vie au monastère Sainte Catherine, sur les pentes du Mont Sinaï, peu avant son mariage avec Louis. Elle nous avait alors témoigné du bonheur de sa rencontre avec une personne de cette qualité. Peu après, lors de mon élection à l’Académie, Louis m’y a accueilli avec chaleur, et sa bienveillance s’est vite transformée en amitié.
Louis était un homme rassurant, un homme de paix, il va nous manquer.
Michel Voisin
Voir aussi la réponse d'André Bertrand lorsque Louis Bourdiol fit l'éloge de François Thuile le 19/12/1994 :
https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/BOURDIOL-ELOGE-THUILE-REP-BERTRAND-1994.pdf