Né le 03/07/1922, décédé le 4/3/2014 ; marié à Alice Leenhardt, 5 enfants : Thierry, Renaud, Corine, Sylvie, Agnès.
Jean-Eugène Gartner est né en 1922 dans une famille parisienne appartenant à la bourgeoisie protestante ancienne de Neuilly-sur –Seine, le père était ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, le fils suivra d’ailleurs les traces du père. Sa jeunesse a été marquée par l’influence de ce père d’une grande curiosité et d’une grande rigueur scientifique. Il fit ses études au lycée Pasteur à Neuilly jusqu’à la déclaration de guerre. En 1940, sa famille l’envoie à Montpellier pour lui permettre de poursuivre ses études. Il y restera deux ans, séparé de sa famille et accueilli dans le milieu protestant de cette ville. La poursuite des activités de scoutisme commencées à Neuilly l’amènera à rencontrer sa future épouse Alice Leenhardt en 1941. Il retournera ensuite à Paris pour terminer ses études (classes préparatoires et concours), il sera reçu à l’Ecole Centrale d’où il sortira diplômé en 1946.
Il rentrera alors chez son premier employeur : la Société de services pétroliers Schlumberger chez qui il effectuera toute sa carrière. Ses enfants m’ont raconté que Jean indiquait avec humour que sa vie professionnelle avait débuté par un gros mensonge. A la fin de l’entretien de recrutement, son interlocuteur lui a demandé « évidemment vous parlez et écrivez couramment l’anglais », condition sine qua non pour entrer dans cette multinationale de culture américaine et plus généralement pour travailler dans le monde du pétrole. Jean a répondu avec aplomb « oui, bien sûr » et il a consacré toutes ses journées jusqu’à sa prise de fonction à apprendre l’anglais car les études pendant la guerre ne lui avaient pas fourni l’opportunité d’une formation dans les langues… Il était opérationnel pour ses premières missions à l’étranger quelques semaines plus tard.
Schlumberger imposait à ses jeunes ingénieurs de partir seul sur le terrain pendant les trois premières années et en conséquence seuls des célibataires étaient recrutés. Jean effectua cette période essentiellement en Afrique Noire, notamment au Gabon.
En 1949, il épousa Alice et continua sa carrière dans des affectations à l’étranger, mais maintenant en couple. Il gravit les échelons de responsabilité : responsable local, puis régional et enfin de zone. Ceci le conduisit aux Pays-Bas, au Venezuela, en Colombie puis un passage à Paris avant de prendre la responsabilité de l’Afrique du Nord à Alger. C’est après cette affectation en 1962 que le Directeur Général lui a proposé un challenge : développer une nouvelle méthode, la pendagemètrie et la promouvoir industriellement. Cette méthode n’en était qu’à ses tout débuts, elle consiste à déterminer un paramètre très important pour les pétroliers, l’inclinaison des couches sédimentaires rencontrées par les forages. Jean a alors constitué au Centre de Clamart une équipe de chercheurs qu’il a animée. Parallèlement il courait le monde des Sociétés pétrolières pour assurer la promotion de la méthode par ses brillantes conférences auprès des responsables des Services d’Exploration et de Production.
Pendant toute cette période, Jean Gartner a été le « Monsieur Pendagemètrie » non seulement chez Schlumberger bien sûr mais à l’échelle internationale dans le Monde du Pétrole. Toutes les communications dans les congrès pétroliers portant sur cette méthode émanaient de son équipe. Il était le spécialiste référent. Comme il me l’avait dit avec plaisir, il avait tenu son challenge et il avait pu remettre à son successeur, lors de son départ à la retraite en 1982, un nouvel outil de diagraphie bien au point et dont la promotion était assurée.
J’ai connu Jean vers les années 75, alors que Schlumberger avait accepté de faire bénéficier nos étudiants de ses compétences. Jean effectuait, en deux jours, 12 heures d’enseignement sur les diagraphies. Ce sont des techniques essentielles de valorisation des forages pétroliers. La qualité de ses interventions était telle qu’il captivait l’auditoire. Je me souviens d’un étudiant qui m’avait dit « si tous nos enseignants étaient comme lui, on ne sécherait jamais les cours ». Ce n’était peut-être pas très aimable pour le corps professoral mais cela indiquait les qualités pédagogiques de Jean Gartner. Après sa retraite, il a continué pendant plus de 10 ans à effectuer bénévolement son enseignement qu’il a même complété par des travaux pratiques.
Cette retraite lui a permis de développer des activités extra professionnelles qui comptaient beaucoup pour lui. En particulier il a exercé d’importantes responsabilités dans les instances régionales et nationales de l’Eglise Réformée de France. L’histoire du protestantisme l’intéressait et son érudition dans ce domaine était impressionnante. Mais sa passion a été la généalogie, la famille de son épouse, la famille Leenhardt avait par son ampleur de quoi satisfaire sa curiosité. Il a pu se pencher avec gourmandise sur les nombreuses branches qui descendaient d’un ancêtre commun identifié à la fin du 17ème siècle. Quand on lui demandait d’où venait ce goût, il aimait raconter que son projet de jeunesse était de préparer l’Ecole des Chartes manifestant bien ainsi son attirance pour l’histoire, les documents anciens, leur étude, leur recherche, leur conservation et leur exploitation. Mais ses enseignants, compte tenu de ses très bonnes notes en mathématiques lui conseillèrent de suivre une voie scientifique.
Il a été élu dans notre Académie en 2005. Malheureusement nous n’avons pu bénéficier de ses qualités de conférencier car l’état de santé de son épouse malvoyante ne lui permettait guère de la quitter. J’ai beaucoup regretté de ne pouvoir conduire à son terme notre projet de réaliser ensemble une ou deux conférences sur les divers aspects de l’industrie pétrolière.
Epargné lui-même par les graves problèmes de santé, il fêtera avec enthousiasme ses 90 ans entouré de sa nombreuse famille. En effet Alice et Jean ont eu 5 enfants, 11 petits-enfants et connaitront 6 arrières petits- enfants. Il avait conservé cette distinction et cette amabilité qui l’avaient caractérisé toute sa vie.
Il est décédé, en mars 2014, paisiblement, chez lui, avec ses enfants à ses côtés, dans sa quatre -vingt douzième année. Pour moi, aujourd’hui, j’écris ces quelques lignes avec tristesse et beaucoup de nostalgie en pensant à l’ami disparu.
Son épouse, Alice, ne lui a survécu qu’une année et disparaitra à son tour en mars 2015.
Pierre LOUIS