Portrait : Source Université de Montpellier
Roger-Eugène-Charles Leenhardt, chargé de cours de chimie-physique à la faculté des sciences de Montpellier de 1909 à 1912 puis maître de conférence de physique de 1919 à sa mort en 1920
M. Charles LEENHARDT, membre de la Section des Sciences, a succombé en peu de jours à un mal que les soins les plus éclairés n'ont pu vaincre. Né en 1877, à Montpellier, notre regretté confrère avait fait ses études au Lycée et à la Faculté des Sciences de notre ville puis à la Faculté des Sciences de Paris. Reçu premier au Concours d'agrégation des sciences physiques (juillet 1902) il entra comme préparateur au Laboratoire de physique du professeur LIPPMANN à la Sorbonne et y resta jusqu'en 1906. A ce moment il prit un congé et termina sa thèse de doctorat ès sciences consacrée à des « Recherches expérimentales sur la vitesse de cristallisation des sels hydratés », 1907. Dans ce travail, aussi remarquable par l'ingéniosité des méthodes mises en œuvre - disent les juges compétents - que par le sens critique développé dont fait preuve son auteur, Ch. LEENHARDT a étendu aux sels hydratés les résultats obtenus par TAMMANN sur la vitesse de cristallisation des corps organiques. Il a montré que les sels hydratés se comportent, dans l'acte de la cristallisation comme des corps physiquement et chimiquement définis, caractérisés par une vitesse de cristallisation maxima qui varie suivant leur nature. Cette vitesse diminue quand on ajoute au sel hydraté un corps quelconque. Ch. LEENHARDT a pu préciser L'allure de la variation en fonction de la nature et de la concentration de l'impureté. Enfin, il a pu répéter sur plusieurs hydratés en surfusion, les expériences fondamentales de TAMMANN relatives à la cristallisation spontanée. Pourvu du titre de docteur ès sciences, M. LEENHARDT fut appelé à Montpellier comme chargé d'un cours complémentaire de chimie physique (fondation de l'Université) 1909, puis d'un cours de chimie du P. C.N. 1912. Mais cet enseignement n'absorba pas toute son activité et il publiait, en collaboration avec M. Boutaric, des recherches de cryoscopie sur les sels hydratés fondus, utilisés comme solvants. Ces deux auteurs, tous deux nos confrères, ont vérifié notamment que la formule de van’t Hoff relative à l'abaissement moléculaire s'applique : 1° à l'abaissement du point de congélation des solutions faites dans l'hyposulfite de soude cristallisé avec cinq molécules d'eau; 2° à l'abaissement du point de transformation du sulfate de soude cristallisé avec dix molécules d'eau en sulfate de soude cristallisé avec sept molécules et c-n sel anhydre. Au décès du professeur MESLIN, M. Ch. LEENHARDT fut chargé de conférences de physique (1er février 1918); puis il fut nommé maître de conférences le 1er juillet 1919. C'est dans ces fonctions que la mort est venue le surprendre. Frappé en pleine activité scientifique - dit notre confrère M. BEAULARD DE LENAIZAN dans un article qu'il a bien voulu me communiquer - Ch. LEENIIARDT laisse des travaux inachevés. C'est ainsi qu'il avait entrepris des recherches sur la catalyse à haute température, essayant d'obtenir, si possible, la synthèse de l'acide azotique à partir des éléments de l'air. Pendant la guerre, il avait mis à la disposition de la défense nationale les merveilleuses ressources de son esprit à la fois ingénieux et pratique, il avait essayé et réussi la transformation de la cellulose des sarments de vigne en amidon d'abord et en sucre ensuite. C'était là une source de richesse pour le Midi viticole. Il est impossible de faire mieux ressortir le caractère à la fois élevé et pratique de l'œuvre de notre regretté confrère et de mettre mieux en lumière ce que l'on était en droit d'attendre d'un esprit aussi pénétrant et aussi bien armé pour la recherche scientifique. Chez notre confrère les qualités de l'homme égalaient celles du savant et lui avaient bien vite gagné parmi nous des sympathies unanimes. Très assidu à nos séances, Ch. LEENHARDT écoutait attentivement les communications qui y étaient faites, et lorsqu'il intervenait dans la discussion, c'était toujours avec une aménité et-une courtoisie qui augmentaient le prix de ses remarques. Au nom de l'Académie, j'adresse à sa famille si cruellement éprouvée, nos condoléances émues.
Louis Vialleton, 1920