C’est dans l’ombre des gigantesques pins de la Grange des Prés, à l’orée de Pézenas, qu’entre deux voyages d’étude travaillait François Hüe, aujourd’hui mondialement connu des milieux scientifiques. C’est aussi au cœur de ce sédatif domaine qu’il ancra sa foi d’homme et de chercheur.
François Hüe est né à Béziers en I905; il y fit ses «humanités» au collège de la «Trinité», et poursuivit ses études a Paris, à la Sorbonne.
De retour en Languedoc, attiré par la biologie et spécialement par l’entomologie, François Hüe s’adonne à la recherche, s’intéresse d’abord aux hyménoptères, puis aux coléoptères, dont il rassemble une superbe collection qui figure actuellement au Muséum d’Histoire Naturelle de New York.
A partir de 1937 l’ornithologie capte préférentiellement ses études; François Hüe va alors observer les oiseaux sur place aux quatre coins du Monde. Paraissent dès cette époque de nombreuses publications, dont trois grands ouvrages écrits en collaboration avec son ami Robert Daniel Etchecopar : «Les Oiseaux du Nord de l’Afrique», «Les Oiseaux du Proche et Moyen Orient», «Les Oiseaux de Chine, de Corée, et de Mongolie».
En 1956 I’UNESCO publie une importante étude, réalisée par Hüe et Etchecopar, sur l’avifaune de la région désertique arabo-saharienne.
Attaché au Laboratoire d’ornithologie du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, membre de la Société Ornithologique de France et de la Société d’Études Ornithologiques, François Hüe poursuit avec ferveur ses recherches, multiplie ses voyages et confie aux revues de ces sociétés de remarquables études sur l’avifaune de la Méditerranée, d’Afrique du Nord, du Proche Orient, du Moyen Orient...
Lors de la dernière interview accordée à Jacques Soubielle, directeur de la revue du « Touring-Club de France » François Hüe, ferme et enthousiaste, émet le vœu que les Français « s’intéressent non pas seulement par sursauts, par impulsions désordonnées au problème de la pollution, en cas de crise, lorsque se présente un scandale exemplaire comme le massacre des bébés phoques, mais de façon suivie, quotidienne, aux problèmes de la nature et de l’environnement ».
Esprit précis et pratique, François Hüe est à l’origine de bien de grandes réalisations écologiques, telles la Réserve Zoologique et Botanique de la Camargue, la Réserve du Massif de Vanoise, les Parcs Naturels des Pyrénées, de Port-Cros...
Le 21 Janvier 72, peu avant que François Hüe ne nous quitte, paraît son dernier article dans la revue de la Société Nationale de Protection de la Nature - Courrier de la Nature - sous le titre « Camargue protégée » : ..." il ne suffit plus que d’unir nos forces. Les hommes passeront, le Rhône changera peut-être encore de lit, mais cette terre de lumière doit conserver ses lagunes, ses terres sauvages, ses chevaux, ses taureaux, ses flamants...”
François Hue fut reçu à l'Elysée par Georges Pompidou, pour établir les bases de l'écologie.
Il est le fondateur de la Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature. Il en fut le président.
Président également de la Société Nationale de la Protection de la Nature, plus que centenaire, qui a pris le relais de la Société Nationale d’Acclimatation de France, créée en 1854 par Isidore Geoffroy de Saint Hilaire.
Président de la Société Protection de la Nature du Languedoc-Roussillon.
Président du Parc Régional de Camargue. Et sur les pas d’Albert-PauI Alliés, François Hüe fut aussi - à la suite du Général Montagne - Président des “Amis de Pézenas”, de 1963 à janvier 1972.
Membre actif de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, François Hüe n’était pas seulement un scientifique. De Madame Bellaud Dessales. sa grand-mère, auteur de distingués ouvrages sur Pézenas et sa région, il hérita de réelles dispositions littéraires et poétiques. Quand paraît sa première plaquette, recueil de poèmes « Le voyageur sédentaire » A Paris, il fréquente assidûment les milieux littéraires, le Théâtre Français, écrit, exploite les accents chaudement timbrés de sa voix pour dire du Baudelaire, du Verlaine, du Racine, se délecte des trésors de la langue française, violon d’lngres dont il joue volontiers pour ses amis, de propos badins en attrayants discours, d’allocutions impromptues en conférences.
A l’art de la musique, François Hüe fut initié très jeune par son père Joseph Hüe, qui recevait chez lui, à Béziers ou dans sa propriété de La Tour, près de Montady, grands musiciens et artistes de l’époque, tel Rubinstein, telle la célèbre cantatrice Gabrielle Ritter, tel Camille Saint Saëns.
Les portes de la Grange des Prés se sont souvent ouvertes à leur tour, aux musiciens et aux artistes, mais aussi aux chercheurs, aux poètes...
Et s’il est évident que lors de son séjour en ce princier domaine, Molière ait puisé auprès des Conti quelques-unes de ses succulentes scènes, il est bon aussi de savoir que c’est sous les mêmes vénérables ombrages que le compositeur Olivier Messaien - hôte de Monique et François Hüe - a harmonisé les chants d’oiseaux de ses oeuvres bucoliques.
Immortel dans le monde de la science, François Hüe reste présent aussi au plus profond de nous tous qui l’avons approché et connu. Et par delà le souvenir de l’homme de science, de l’homme de lettres, de l’homme d’action, attentif à toutes les idées, « présent » en toutes circonstances, nous gardons de lui l’image d’un ami de la nature, vrai, d’un être courtois... d’une avenance toute chaleureuse, presque familière, d’un être simple et tout à la fois raffiné; nous gardons de lui le reflet d’un sourire ouvert, d’un regard franc et réceptif éclairé d’une ébène piquante.
Huguette Long Lapointe
Société de Protection de la Nature du Piscénois
Voir sa page wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_H%C3%BCe_(ornithologue)
Travaux, voir page BNF :
https://data.bnf.fr/fr/12324727/francois_hue/