Jules Ventre connaît une enfance digne des romans noirs du 19ème siècle. Il est né en 1880 en Algérie, à Affreville, dans une famille de tous petits colons originaires de la Haute-Provence. Il est mis pensionnaire au collège de Blida. C'est là que sa mère vient mourir d'une crise cardiaque, dans le parloir, lors d'une visite faite à l'adolescent. Peu de temps après, le jeune Ventre a une jambe fracassée par une des premières autos qu'on ait vues dans le pays. Il frise l'amputation et va boiter toute sa vie. Son père est assassiné par un débiteur espagnol dans la maison d'Affreville. L'orphelin est confié pour les vacances à « tante Marie » et « oncle Hippolyte », un couple de braves paysans du Var. Il trouve, auprès d'eux, chaleur et affection. Mais, les vacances finies, il doit reprendre le chemin d'Alger.
Jules Ventre veut vite obtenir une situation. Il prépare le concours d'entrée à l'École Nationale d'Agriculture de Montpellier. Il est reçu et arrive à la Gaillarde en 1898. Aa sortie de l’École, il part pour les colonies. Plus précisément, il contracte, avec une grande compagnie de Marseille, un engagement pour la Côte d'Ivoire. Mais là, il souffre du paludisme et doit être rapatrié en piteux état. Il retourne donc chez sa tante et son oncle tout en sollicitant l'aide de l'École d'agriculture pour trouver un emploi. On l’embauche chez Etienne Marès. Celui-ci est président de la Société centrale d'agriculture de l'Hérault. Il est aussi l’animateur de différents syndicats viticoles et le fils du célèbre Henri Marès. Pour Jules Ventre, il s'agit de surveiller la vendange et la vinification dans la propriété de Launac appartenant aux Marès. Le jeune homme s'acquitte de sa tâche avec une grande intelligence, tout en introduisant des innovations importantes dans le procédé d'élaboration du vin. Etienne Marès, surpris, relate la chose à Bouffard, professeur à l’École d’agriculture. Celui-ci engage alors Jules Ventre à venir travailler dans son laboratoire. C’est le début d’une longue collaboration. En plus, Ventre épousera la fille de l’autre.
L'œuvre scientifique de Jules Ventre est importante et ses publications nombreuses. Il a particulièrement travaillé sur l'huile de pépins de raisins, l'anhydride sulfureux en vinification, les levures sélectionnées, l'acidité des vins, la fermentation des vendanges... En 1910, il soutient sa thèse de doctorat ès sciences à Paris-Sorbonne : « Recherches sur les formes possibles du phosphore dans les raisins et dans les vins ». Parallèlement, Jules Ventre joue un rôle appréciable dans le développement viticole du Var où il retourne fréquemment. Il milite pour l’entente des producteurs et la création de caves coopératives. Il donne des conférences à Brignoles, à Toulon et à Draguignan. Il est nommé président de la Société d’agriculture de Brignoles. En 1930, il publie, à Montpellier, un traité de vinification en trois volumes qui constitue un ouvrage de référence pour la profession et sert, avec ses autres travaux scientifiques et techniques, à faire connaître l'École dans les pays viticoles étrangers. Jules Ventre a obtenu plusieurs prix de l'Académie d'Agriculture avant de devenir, lui-même, membre correspondant de cette institution. Il reçoit aussi la Légion d'Honneur et le grade d'Officier du Mérite Agricole.
Il meurt le dimanche 19 mars 1939, à 59 ans terrassé par une phlébite. Cet homme, dont l'enfance avait été si difficile et souvent privée d'affection, savait mieux que tout autre, le prix de l'amitié. Il avait demandé qu'on fasse transporter son cercueil à l'École d'agriculture, avant la mise en terre, pour qu'il se retrouve une dernière fois entouré d'une grande famille de collègues, de collaborateurs et d'élèves. Ceci fut fait.
D’après le professeur Édouard Nègre, 1941
Voir son éloge par Gabriel Vidal en 1940 :
https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/VIDAL-Gabriel-ELOGE-VENTRE-REP-KL-1940.pdf
Travaux voir BNF :
https://data.bnf.fr/fr/10294866/jules_ventre/