André Bertrand est né à Saint-Bauzille de Putois dans l'Hérault en 1923.
Son grand-père André Barthélémy Bertrand était négociant en vins et vivait au centre du village dans une maison qui résonnait à longueur de journée des coups de marteau que le tonnelier donnait sur les cercles de fer entourant les tonneaux ainsi que des cris du charretier qui s’occupait des chevaux. Un des fils d’André Barthélémy, André Jules Bertrand épousa Valentine qui lui donna trois enfants, André, Marguerite et René. Valentine Claparède était issue d’une famille d’intellectuels montpelliérains et elle s’installa au village auprès de son mari, négociant en vins lui aussi. Elle se consacra à l’éducation de leurs trois enfants.
André est un enfant vif et adroit et le contrefort des Cévennes devient un jardin sans limites. Fréquentant l’école du village, le moindre temps de liberté est mis à profit pour s’évader. Mais lorsqu’il a huit ans, sa position de garçon et d’aîné fait décider à ses parents que l’école du village ne peut suffire à l’ambition familiale et André entre à l’internat de l’Enclos Saint François à Montpellier. Le samedi et le dimanche il rejoint ses grands-parents maternels au 7 de la rue Rondelet et sa grand-mère Jeanne Claparède prend en charge son éducation. Toutes les semaines, son oncle Jean Claparède l'emmène au musée Fabre et lui enseigne la peinture. Loin des siens, loin des paysages dans lesquels il a grandi, André vit des années difficiles. Il s’enferme pour étudier, il obtient son baccalauréat très brillamment, en première année de médecine il est major et la réussite ne l’abandonne plus, pas plus que le courage et la ténacité.
Il est reçu à l'internat en 1951 et débute en 1955 comme jeune chef de clinique au Pavillon Pasteur du Centre Hospitalier de Montpellier. Ce Pavillon avait vu le jour dans les années trente lorsqu’une épidémie de variole avait rendu urgente la nécessité d’isoler les malades. Dans ce qui devait être un pavillon de contagieux, le professeur Marcel Janbon avait créé une véritable clinique de maladies infectieuses qui était devenue un centre d’expérimentation des premiers antibiotiques. La pénicilline, la streptomycine puis le chloramphénicol allaient donner à ce jeune service ses lettres de noblesse.
Dans les années cinquante, l'arrivée de la poliomyélite déclenche l'ouverture à Montpellier du troisième Centre français de Prothèse Respiratoire pour permettre à ces patients que la paralysie étouffe de respirer. Âgé d’une trentaine d’années, André Bertrand s’en voit confier la charge et le centre se développe rapidement, recevant d’autres urgences infectieuses et respiratoires.
Grâce à sa thèse de médecine sur la brucellose chronique, soutenue en 1957, André Bertrand devient le spécialiste français de cette maladie. Jacques Roux, Charles Mérieux et lui-même mettent au point le vaccin contre la brucellose.
En 1958, il est nommé assistant des hôpitaux. Agrégé en 1962, il est nommé professeur sans chaire en 1968 et il devient, l’année suivante, chef de service de Maladies Infectieuses A à l’Hôpital Gui de Chauliac. François Janbon et Jacques Jourdan seront nommés professeurs agrégés auprès d'André Bertrand, respectivement en Maladies Infectieuses et en Thérapeutique. En 1973, la surveillance à domicile des malades ventilés créée par Jacques Milane est officialisée et l’APARD, l’association pour l’assistance respiratoire à domicile, voit le jour. Jacques Milane sera nommé praticien hospitalier tout comme Martine Siffert, nommée en 1969, et tous deux travailleront de nombreuses années auprès de celui qu’ils considéraient comme leur maître. Le centre de réanimation respiratoire s’est beaucoup développé et il va devenir un service à part entière. Olivier Jonquet en prend la direction. Il sera lui aussi nommé professeur agrégé auprès d’André Bertrand, en réanimation médicale, en 1989. Lorsque l’épidémie de virus de l’immunodéficience humaine fait son apparition, c'est Jacques Reynes qui s'en voit confier la charge, André Bertrand étant coordonateur du centre d’information et de soins de l’immunodéficience humaine de Montpellier.
Le professeur André Bertrand, nommé professeur première classe en 1985 puis classe exceptionnelle en 1988, est un enseignant consciencieux et tous s'accordent à dire que ses cours sont d’une rare qualité, tant les maladies infectieuses que la thérapeutique. Ses discours sont construits, travaillés, il fait preuve d’une grande exigence, d’une grande recherche de perfection, tant avec les autres qu’avec lui-même.
Au-delà de la responsabilité des Maladies Infectieuses, de la Réanimation Médicale et de la Thérapeutique, André Bertrand dirige bon nombre de sociétés savantes, dont certaines qu’il a fondées, comme la Société de Réanimation de langue française, la société de Pathologie Infectieuse de langue française. Il appartient à beaucoup d’autres. De 1981 à 1983, il préside le Comité Consultatif National des Universités. En 1981, il fonde la fédération régionale d'auto-traitement à domicile par appareillage médical (FRADAM) et il permet aux Réunions Interdisciplinaires de Chimiothérapie Anti-infectieuses (RICAI) de voir le jour. En 1984, il est nommé à la présidence du Comité d’Éthique Médicale du Centre Hospitalier et Universitaire de Montpellier - Nîmes.
Homme brillant, consciencieux, médecin exigeant tant sur le plan scientifique qu’éthique, grand travailleur doué d'une immense culture, André Bertrand est admis en 1989 à l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier et il en assurera une présidence remarquée en 1991. En 1989 il est nommé membre correspondant de l'Académie Nationale de Médecine et celle-ci lui décerne la médaille d'or pour l'Hygiène et les Maladies Infectieuses.
Marié à Marie-Claire Trochain depuis 1957, ils ont quatre enfants, Pierre, Luc, François et Cécile. De caractère gai, Marie-Claire emplit sa vie de joie. Pour qu'il puisse exercer au mieux les lourdes responsabilités professionnelles qui sont les siennes, elle le décharge de toutes tâches domestiques et familiales. Médecin à mi-temps, elle élève leurs quatre enfants, s'occupe de la maison et garde un peu de temps pour apporter, dans le service de son mari, du réconfort aux patients privés de liberté par l’enchainement au respirateur artificiel. Marie-Claire disparait prématurément au terme d'une longue maladie en 1987.
C’est Jean Hilaire, l’ami de toujours, qui entraînera le professeur à la retraite à des cours de peinture. Par elle, André Bertrand revisite les passions de sa jeune adolescence, lorsque son oncle Jean Claparède et lui arpentaient main dans la main les salles du musée Fabre, par elle il retrouve les paysages de l'arrière pays qui avaient bercé son enfance, par elle il garde le souvenir des voyages partagés avec son groupe d'amis fidèles. Par sa culture, André Bertrand fait figure de référence auprès de tous ceux qui l'entourent. Fidèle à la foi qui a toujours été la sienne, il fréquente des groupes de réflexion biblique. Très présent auprès de ses quatre enfants, auprès de sa soeur Marguerite, il est aussi un grand-père exemplaire, référence et modèle à la fois.
Après une vie jalonnée de prix et médailles octroyés dans le cadre de la médecine, il est fait chevalier puis officier des Palmes Académiques puis est nommé Chevalier dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur.
André Bertrand meurt à Montpellier le 9 mars 2009.
Dans l’église de Saint-Bauzille, sous les couleurs changeantes des vitraux éclairant les murs bleus repeints à la chaux, les siens ne sont pas seuls à ressentir la blessure violente de la disparition du père, nombreux sont les médecins venus saluer le patron, les élèves saluer le maître.
Gemma Durand.