Le professeur Roger Jean est décédé le 17 Août 2010 au Puy, ville qui l'avait vu naître en 1921 et à laquelle il était toujours resté très attaché. Après des études à l'Enclos Saint-François à Montpellier, il entre à la Faculté de Médecine et s'oriente vers la pédiatrie. Collaborateur du professeur Jean Chaptal alors titulaire de la chaire de Pédiatrie, il franchit rapidement les étapes d'une carrière universitaire brillante. Après avoir effectué un stage de formation à Cincinnati aux Etats-Unis, il devient agrégé de Pédiatrie en 1955. En 1970, il succède à Jean Chaptal comme Professeur de la Clinique des Maladies des Enfants et Hygiène du Premier Age, au 5ème étage de l'hôpital Saint Charles à Montpellier. Il le restera jusqu'en 1988. Pendant ces 18 années, avec l'aide du professeur Hubert Bonnet et de nombreux autres collaborateurs, il ré-organise la pédiatrie hospitalière montpelliéraine. Un des premiers en France, il comprend la nécessité d'une spécialisation pédiatrique. Partageant son service en deux, il favorise la création d'un service de néonatologie confié à Hubert Bonnet. Il individualise bientôt d'autres spécialités pédiatriques: la néphrologie, confiée au professeur Robert Dumas, la gastro-entérologie au professeur Daniel Rieu, la cardiologie au professeur Michel Voisin, la pneumologie au professeur Daniel Lesbros, l'endocrinologie au professeur Charles Sultan, l'onco-hématologie au docteur Geneviève Margueritte.
Le professeur Jean est un travailleur infatigable, un homme exigeant, parfois sévère. Il dirige son service avec une grande rigueur et chaque jour, à 18h, les responsables d'unité viennent "à confesse" rendre compte des problèmes rencontrés.
Les travaux de l'école montpelliéraine portent d'abord sur le traitement des déshydratations sévères du nourrisson pour lesquelles Roger Jean propose un traitement rationnel. Il se consacre ensuite à la nutrition parentérale, à l'exploration fonctionnelle respiratoire du nourrisson, au traitement de l'asthme et du diabète.
La renommée de son service dans le monde médical francophone attire de nombreux étudiants du Moyen-Orient, du Maghreb et d'Afrique Noire. Plusieurs de ses élèves occupent des postes importants dans leurs pays d'origine. Roger Jean établit aussi des relations amicales avec des pédiatres catalans de Barcelone et de Gérone qui viendront pendant 35 ans fréquenter son service et sa maison.
Reconnu par ses pairs, il siège plusieurs années au Conseil National des Universités et préside la Société Française de Pédiatrie. Il devient officier dans l'Ordre des Palmes Académiques et chevalier dans l'Ordre National du Mérite.
Tout au long de sa carrière, il aura le bonheur d'être efficacement secondé par son épouse Armelle et entouré de l'affection de ses six enfants et de ses nombreux petits enfants.
Définitivement retiré de la vie universitaire et hospitalière en 1991, il se consacre aux travaux de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier où il a été admis en 1977 et qu'il préside en 1982. Pendant toute cette période, il se révèle un homme de culture, amoureux de l'histoire, des voyages et de la musique.
Mais son courage, c'est à la fin de sa vie qu'il devait nous le montrer. Cruellement frappé par une cécité presque totale, il continue à fréquenter l'Académie, s'efforçant jusqu'à la fin de sa vie de participer aux débats et d'exprimer son opinion sur des sujets très divers.
Ses collaborateurs, ses élèves et ses malades garderont de lui l'image d'un maître.
Robert Dumas, Michel Voisin
Roger Jean est né au Puy en Velay, dans une région rude et austère, dont étaient issus tous ses ancêtres ; son père, médecin spécialiste des « maladies des enfants » va mourir prématurément, et Roger deviendra de bonne heure chef de famille.
Sa formation débutera réellement à Montpellier à l’Enclos Saint François ou la rencontre de l’abbé Prévost sera pour lui une véritable révélation. Dés lors, il poursuivra un cursus exceptionnel avec de brillantes études médicales. Interne des Hôpitaux en 1947,il devient chef de clinique et assistant des hôpitaux en 1950 . Il est reçu à l’agrégation de Pédiatrie en 1955 à 34 ans et est nommé Professeur titulaire de la chaire de Pédiatrie et chef de service des maladies des enfants en 1970, succédant au professeur Jean Chaptal.
Roger Jean avait été un des tous premiers en France à se former aux Etats Unis à la médecine scientifique et dès son retour, avait bouleversé le traitement des déshydratations des nourrissons de même que la prise en charge des dénutritions de l’enfant et des diabètes infantiles. Très tôt, il comprendra aussi la nécessité de sectoriser son service de Pédiatrie. Dans un premier temps, il crée un service de néonatologie qu’il confie au professeur Hubert Bonnet, puis il subdivise son propre service en plusieurs départements : néphrologie, cardiologie, pneumologie, endocrinologie, gastroenterologie et hémato-oncologie ; enfin création d’une unité de biochimie permettant adaptations thérapeutiques et recherches en Pédiatrie. Il comprendra aussi l’importance d’ouvrir son service au monde avec la formation d’une multitude de médecins étrangers et échanges avec de nombreux pays, qu’il tiendra à visiter régulièrement. Mais toute cette activité organisatrice ne l’empêchait pas de diriger son service avec une rigueur et une méticulosité exemplaire. Et c’est lui aussi qui initie l’activité scientifique de son service ; les publications issues de son autorité se chiffrent par centaines et couvrent tous les domaines de la Pédiatrie.
Roger Jean accédera aux plus hautes instances de la Pédiatrie Française et Internationale : membre d’innombrables sociétés savantes, président de la société française de Pédiatrie, docteur honoris causa de multiples universités étrangères, membre du conseil national des universités.
Admis à la retraite en 1989, il va s’investir intensément dans de multiples activités intellectuelles en particulier au sein de l’Académie des Sciences et lettres de Montpellier ou il avait été admis en 1977 et qu’il avait présidé en 1982. Ses publications de très grande qualité et d’une rare diversité ont toujours été unanimement appréciées. Et jusqu’à la fin de sa vie il est resté une des voies les plus autorisées de notre institution. C’est que sa curiosité intellectuelle, son insatiable désir de tout apprendre, de tout connaitre, sa vivacité d’esprit et sa mémoire prodigieuse, en faisaient un être d’exception. Les dernières années de sa vie furent marquées par un handicap visuel sévère qu’il affronta avec un courage exemplaire ; il fut soutenu dans cette épreuve par son épouse et ses six enfants.
Jean-Max Robin