Le patronyme Cambon de Lavalette apparaît au milieu du XVIIIe siècle. La famille, attachée à la foi protestante, est originaire des environs de Lacaune (Tarn). Lavalette ou La Valette est située à l’est de Viane.
Le grand-père du général, Jules, né en 1835, fut magistrat à Montauban et à Nîmes, avant d’être mis d’office à la retraite en 1883 pour d’injustes raisons politiques. Il fonda alors le domaine viticole de la Petite-Bastide, près d’Isle-sur-la-Sorgue, qui comptera plus de 80 ha et où le jeune Véran passera son enfance.
Philippe, fils de Jules et père du général (1877-1949), épousa en 1911 Marguerite Fraisse ; la jeune fille, par son ascendance maternelle, appartenait à l’aristocratie autrichienne et catholique. Les enfants seront élevés dans la religion de la mère. Philippe, lui-même, se convertira au catholicisme. Celui-ci, bien que dispensé de service militaire, s’engagea comme volontaire en 1915 ; il fut gravement blessé en 1918, son courage lui valant de nombreuses décorations.
Le jeune Véran (qui tient son prénom de la cathédrale de Cavaillon) naît à la Petite-Bastide où sa première instruction lui est donnée. Il entre ensuite au collège de Carpentras. Malgré un milieu familial chaleureux, le domaine vit difficilement et les terres doivent être successivement vendues, jusqu’aux bâtiments dont les parents se défont en 1942. Ils s’installent à Velleron.
La même année, Véran passe son baccalauréat à Carpentras. Comme la famille connaît des soucis d’argent, il renonce à des études longues et se décide pour une carrière militaire. Il a déjà songé à entrer dans la Résistance, mais un officier de gendarmerie lui conseille d’acquérir une formation pour être plus apte au combat. Il intègre alors l’École de la Garde à Guéret qui prépare à Saint-Cyr.
Le débarquement, le 6 juin 1944, fait basculer les élèves de l’École dans la Résistance. Pendant un mois, marches et combats se succèdent, mais l’armée allemande a repris l’offensive et le jeune résistant est fait prisonnier en juillet.
Il est transféré à Clermont-Ferrand où il subit pendant un mois de nombreux interrogatoires sous la menace permanente d’une exécution sommaire. En août, au terme d’un trajet en train de dix jours dans des conditions inhumaines, il est déporté au camp du Struthof. Au début de septembre, il est acheminé dans les mêmes conditions à Dachau, puis dirigé à pied vers le camp de travail d’Allach, en banlieue de Munich. Soumis au froid, à la faim, souffrant de la vermine et de la brutalité des kapos, il travaille plus de douze heures par jour, six jours sur sept (la pause du dimanche n’était due qu’au manque d’encadrement) pour les usines BMW. En dépit d’un état de santé déplorable – entre autres maux, il est victime d’une pleurésie bilatérale en avril 1945 –, il échappe à la mort.
Le camp est libéré par les Américains le 30 avril, mais les prisonniers ne peuvent le quitter en raison du typhus. Le 18 mai, ils reçoivent la visite du général Leclerc et de la 2e DB. Une semaine plus tard, le jeune homme, un peu rétabli, rentre en France par la Suisse et retrouve sa famille en juin 1945.
L’année suivante, il entre à Coëtquidan (promotion 1943) comme aspirant, mais la déportation a laissé des séquelles et il doit être hospitalisé pendant deux ans à Briançon ; cette épreuve lui permet toutefois de rencontrer Denise qui devient son épouse en 1951. Ils auront deux enfants. Le jeune lieutenant profite de sa convalescence pour entreprendre des études de Droit et de Sciences économiques.
Capitaine d’artillerie coloniale, il réussit le concours d’entrée à l’École supérieure de l’Intendance en 1955. Cette nouvelle orientation marquera définitivement la carrière du jeune officier : attentif aux hommes et à leurs conditions de vie, il y déploiera un grand sens de l’administration et de la gestion. Il fait campagne en Algérie dans l’Oranais, puis dans le Constantinois, de 1957 à 1960. Il est alors appelé à la Direction centrale et devient chef du bureau Organisation et Méthodes jusqu’en 1965. Ses compétences et son expérience l’amènent tout naturellement à enseigner pendant deux ans à l’École supérieure de l’Intendance. Il retrouve des fonctions exécutives à la Sous-direction de l’Intendance à Lyon de 1967 à 1971, puis à la Direction de l’Intendance à Nancy jusqu’en 1973.
Cette même année, il revient à la formation des officiers et arrive à Montpellier où il prend pendant quatre ans la direction de l’École militaire d’Administration (devenue École militaire supérieure d’Administration et de Management, elle a été fermée en 2010). Promu intendant général en 1977, il est nommé directeur de l’Intendance de la 2e région militaire à Lille, puis quatre ans plus tard, il devient directeur central du service de l’Intendance au ministère de la Défense, avec le grade de commissaire général de division ; il entre dans la réserve en 1985.
Le général Cambon de Lavalette a été élu en 1987 au siège XXIII de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier (section Lettres), succédant au duc de Castries. Il a été président de l’Académie en 1995.
Il a fondé en 1990 le centre régional d’histoire de la Résistance et de la Déportation à Castelnau-le-Lez qui porte aujourd’hui son nom.
En 2010, il a publié chez L’Harmattan De la Petite-Bastide à la Résistance et au camp de Dachau où il retrace les origines de sa famille et raconte ses années de jeunesse.
Le général Cambon de Lavalette était commandeur dans l’Ordre national de la Légion d’honneur et commandeur dans l’Ordre national du Mérite.
Dominique Triaire