C’est avec un étonnement douloureux que nous avons appris le décès de notre confrère Gérard Calvet : une disparition survenue quatre jours seulement après celle de son épouse Yvonne.
Gérard Calvet avait été élu dans notre Académie en 2003 dans la section des lettres qu’il avait présidée en 2008. Il était né en 1926 à Cornilhac-Corbières dans l’Aude. Après des études secondaires au Lycée de Carcassonne, il était entré à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris où il avait eu notamment comme condisciples le sculpteur César et le peintre Bernard Buffet.
Revenu dans le Midi avec un bagage artistique solide, il avait adhéré, dans les années cinquante, au Groupe Montpellier-Sète dont le chef de file était François Desnoyer.
Au cours de sa longue carrière, depuis 1945, il avait multiplié les expositions et pour certaines bien au-delà de nos frontières. J’en ai dénombré plus d’une soixantaine. La dernière, il y a peu de temps, à la galerie Diane de Carné à Béziers nous avait laissé une forte impression.
Aujourd’hui, ses œuvres figurent dans les collections particulières de nombreux pays ainsi que dans celles d’une douzaine de musées français et étrangers. On peut citer le Musée national d’art moderne et le Musée d’art moderne de Paris, mais aussi le Musée royal de Suède, le Louisiana au Danemark ou le Sparkasse d’Heidelberg. Sans oublier bien sûr le Musée Fabre de Montpellier, le Paul Valéry de Sète, et le Musée Narbonne.
Avec son épouse Yvonne ils étaient de grands voyageurs visitant les contrées les plus lointaines, guidés par une insatiable curiosité.
Avant de s’installer en ville, non loin de notre siège de l’Hôtel de Lunas en descendant le boulevard, avec un atelier à deux pas, ils vivaient à Terre Mégère : une grande propriété. Gérard y peignait bien sûr, mais aussi il se dépensait sans compter pour l’entretien des lieux. Il m’est arrivé de le voir, une débroussailleuse thermique à l’épaule, luttant avec acharnement contre une nature envahissante.
Un aspect peut-être moins connu de sa carrière est celle de créateur de décors et costumes de théâtre. C’était une façon de mettre son talent au service d’une aventure collective cimentée par l’amitié. Amitié avec le docteur François Sayad, psychiatre créateur du Théâtre du Passe-temps : troupe montpelliéraine qui a eu beaucoup de succès et dont certains d’entre vous se souviennent sûrement. C’est là qu’était née aussi son amitié indéfectible avec Michel Galabru qui créa, dans les années quatre-vingts, le Festival de Malaucène dans le Vaucluse. Gérard en faisait partie. Il y était très attaché.
Aujourd’hui, de notre confrère - dont nous connaissions la simplicité et la modestie et qui détestait par-dessus tout le discours qu’un artiste peut tenir sur sa propre création : l’œuvre devant parler d’elle-même – de notre confrère donc demeure l’essentiel : le regard qu’il a posé sur le monde et qui est aussi le reflet de ce qu’il portait en lui ; une vision à la fois optimiste et sensuelle. Là, avec ce sens propre de l’œuvre d’art que Merleau-Ponty définit comme une déformation cohérente imposée au visible, il nous affirme que ce monde est beau dans une construction esthétique très personnelle que l’on retrouve aussi dans ses natures mortes. D’ailleurs, si les Anglo-saxons et les Allemands préfèrent, pour désigner ce genre, le terme de ‘’vie silencieuse’’ ou ‘’vie immobile’’, je dirai que pour notre confrère on pourrait le compléter par ‘’vie souriante’’ ou ‘’vie heureuse’’.
S’il fallait définir en peu de mots le sens de l’œuvre de Gérard Calvet, nous pourrions répondre sans hésiter : « Une peinture du bonheur. »
Jacques Balp